Meiller, indienneur suisse de neufchâtel, connaissant le modèle de réussite de la manufacture de Jouy, organise, dans un contexte très différent puisque nous sommes en pleine révolution, le lancement de sa manufacture, à partir de sa compétence technique.
Le village de Beautiran présente plusieurs avantages, ruisseau (les imprimeurs sont gourmands en eau) de grands champs pour le séchage des toiles, mais avant tout sa proximité avec Bordeaux.
Bordeaux, port négrier, n’a pas de manufacture proche, contrairement à Nantes. Les toiles sont une monnaie d’échange majeure pour acquérir en Afrique les esclaves menés aux Amériques, et les négociants de la traite doivent donc se procurer des étoffes qui viennent d’autres manufactures.
L’opportunité d’une création locale est à saisir, justement à ce moment, puisqu’en 1792, on connaît plusieurs années successives d’expéditions nombreuses et réussies, et qu’on ne voit guère de raison que le commerce de l’esclavage ne dure pas. Bien au contraire, on peut voir dans les fortunes et la promotion sociale des négociants qui s’y livrent un gage de réussite financière et d’accès à un statut supérieur…
Beautiran imprimera des motifs destinés exclusivement aux rois africains - des dessins plus ou moins naïfs d’animaux d'Afrique imprimés en bleu indigo. En 2010, une dame de Castillon-la-Bataille, Gironde, se souvenait d’avoir eu son lit d’enfant habillé de ces toiles-là.
Ainsi naquit la manufacture d’impression sur étoffe de Beautiran qui déclina à partir de 1814 avec l’interdiction de la traite.